jeudi 26 septembre 2013

Trente ans après sa mort, l'hommage d'Ajaccio à Tino Rossi

Trente ans après sa mort, Ajaccio rend hommage à Tino Rossi, le plus illustre de ses fils, avec Napoléon, et rare artiste français à avoir vendu plus de 500 millions de disques, dans le monde entier.
Spectacles, expositions, publications, visites de sa propriété sur la route des Sanguinaires, marqueront l'anniversaire de la disparition du "Rossignol d'or" décédé à 76 ans le 26 septembre 1983 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), après 50 ans de "règne absolu", comme le souligne la dernière biographie, "Le vrai Tino", parue cette semaine.
"Tino est avant tout, pour nous, un mythe. Il a été l'ambassadeur de notre île à laquelle il empruntait les traits: chaleureux et pudique", a déclaré le maire (DVG) d'Ajaccio, Simon Renucci, lors d'une réception dans les salons napoléoniens de l'hôtel de ville.
"Grâce à lui, l'âme corse, si souvent malmenée, gagnait une reconnaissance. Notre langue et notre accent aussi", a-t-il dit, en présentant un spectacle musical "La Corse chante Tino" (par le groupe Les Voix du Sud). "Sa voix nous a tous exaltés (...) et elle a magnifié l'amour."
Chaque jour, des visiteurs - des milliers chaque année - viennent se recueillir devant le sobre tombeau de marbre noir au cimetière marin d'Ajaccio, sur la route des îles Sanguinaires.
Quelques kilomètres plus loin, comme en pèlerinage, ils s'arrêtent au Scudo, la propriété acquise par l'artiste en 1952 au bord du golfe d'Ajaccio.
La villa et sa pinède ont été classées en 2011 "Maison des Illustres" par le ministère de la Culture, label décerné à une centaine de demeures remarquables ouvertes au public "pour transmettre la mémoire d'hommes et de femmes ayant influencé l'histoire régionale ou nationale".
Autre étape du souvenir, la maison natale de Constantino Rossi, né le 29 avril 1907 dans la rue Fesch, l'une des plus anciennes artères du coeur historique d'Ajaccio.
Tino, surnommé d'abord Tintin, y grandit au sein d'une famille pauvre de neuf enfants. Son père, un modeste tailleur, espérait qu'il lui succéderait ou, mieux, qu'il deviendrait... secrétaire de mairie.
1.363 chansons en 50 ans de carrière
Mais le beau gosse, archétype du "latin lover", à l'exceptionnelle voix veloutée à deux octaves et demi et au sourire enjôleur, aimait chanter.
Et, de son premier 78 tours en 1932 à son ultime et triomphal récital d'adieu au Casino de Paris en 1982, un an avant de succomber à un cancer, son exceptionnel talent et la bonne fortune lui ouvrirent les chemins de la gloire.
Idolâtré par des femmes qui parfois se jetaient sous sa voiture ou se dénudaient dans ses récitals, des dizaines d'années avant que le phénomène des fans se banalise avec le rock et les Beatles, le "tenorino de l'amour heureux" est toujours demeuré humble et réservé, sans jamais renier ses origines, sociales notamment. En 50 ans, il interpréta 1.363 chansons, comme les inusables "Marinella" et "Petit papa Noël", et joua dans une quarantaine d'opérettes et de films.
Parfois moqué par les jeunes générations de l'après-guerre, il fut aussi accusé, comme de nombreux artistes, de collaboration avec l'occupant allemand.
Dans "Le vrai Tino" (éditions Carpentier), le biographe de stars Emmanuel Bonini montre au terme d'une méticuleuse enquête que le chanteur fut surtout victime de manipulations policières et de malencontreuses fréquentations.
Aucune charge ne sera d'ailleurs retenue contre lui et, en 1952, il sera fait chevalier de la Légion d'honneur.
Dans les années 1970-80, il fut ignoré, voire rejeté, par certains en Corse durant le "riacquistu" (réacquisition culturelle), période de redécouverte des formes traditionnelles de chant et de musique. Ses disques sont toutefois toujours restés en tête des ventes. Et il est bien désormais "de retour parmi les siens", comme l'a titré cette semaine Corse-Matin.
Il y a 30 ans, pour son dernier voyage, Tino Rossi fit son retour dans la Cité impériale au terme d'une bouleversante traversée de la Corse par la route, sous des trombes d'eau.
Dans les villages en deuil, les habitants, derrière leurs maires ceints de l'écharpe tricolore, pleurèrent devant le passage du convoi funéraire. Les limousines arrivaient de Bastia, où l'avion de Paris avait dû se poser en raison d'une tempête sur Ajaccio. Comme pour mieux permettre à toute la Corse de lui rendre un ultime hommage.

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